vendredi 15 octobre 2010

Airbus décolle dans le ciel indien


Publié le 08/10/2010 13:14 De notre envoyé spécial à Bangalore, Gil Bousquet
Airbus décolle dans le ciel indien
aéronautique
Airbus emploie 160 ingénieurs à Bangalore. Ils seront 400 en 2013./Photo D.R Vincent Lamigeon
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En Inde, Airbus a ouvert un centre d'ingénierie ainsi qu'un centre de formation pour les pilotes. L'avionneur de Blagnac travaille de plus en plus avec les PME indiennes.
On l'appelle la Silicon Valley indienne. Bangalore, ville du sud du sous-continent grouille de huit millions d'habitants. Véritable réserve de cerveaux du pays tourné vitesse grand V vers le XXIe siècle grâce à ses écoles d'ingénieurs et ses instituts de formation, Bangalore est devenue la tête de pont d'Airbus en Inde. Les premiers pas ont été réalisés en 1994 quand l'avionneur européen a confié à HAL, société nationale aéronautique indienne, la fabrication de la moitié des portes avant de l'A320 (les autres étant fournies par Latécoère). Mais depuis deux ans, la firme de Blagnac a passé la vitesse supérieure en ouvrant un centre d'ingénierie avec déjà 160 salariés. Ils seront 200 d'ici la fin de l'année puis 400 d'ici 2013. « Il y a quatre ans, ici il n'y avait rien. On est parti de zéro pour créer ce centre qui travaille en commun avec nos ingénieurs de Toulouse, Hambourg ou d'Angleterre » explique Joëlle Willaume, directrice de l'ingénierie chez Airbus à Bangalore. « L'Inde est un des piliers de notre stratégie. Ici nous trouvons des gens très enthousiastes et compétents » rajoute même Tom Enders le PDG qui entend bien renforcer la présence d'Airbus sur place.
D'ici 2020, Airbus externalisera 20 % de sa production, en Inde pour une grande part. Suivront la Chine et la Russie. Déjà Airbus travaille avec 25 fournisseurs indiens dont huit de rang un, qui traitent en direct avec l'avionneur de Blagnac. D'ici dix ans, Airbus compte porter à un milliard de dollars ses achats en Inde. En revanche, pas question de construire une usine d'assemblage en Inde. « Nous livrons vingt avions par an en Inde. Un rythme qui ne justifie pas une usine » a précisé Kiran Rao, le président d'Airbus India. Quoi qu'il en soit, Airbus bétonne ses positions face à son rival Boeing. 200 Airbus volent chaque jour dans le ciel indien alors qu'il en reste encore 180 à livrer. Grâce à cette stratégie, Airbus a fait main basse sur les commandes de ces cinq dernières années avec 347 avions contre seulement 161 pour Boeing. Mais les transferts de charge qui accompagnent ces victoires commerciales inquiètent Jean-Jacques Mirassou, sénateur de la Haute-Garonne : « Désormais, les pays émergents fabriquent des pièces de plus en plus sophistiquées au détriment de Toulouse » déplore l'élu membre de la mission d'information sur la désindustrialisation des territoires. Pour Tom Enders, « Hambourg et Toulouse ne doivent pas craindre l'Inde » qui n'est pas un concurrent. Mais un patron indien glisse à l'oreille : « En Inde, on a un proverbe : un éléphant avance doucement mais avance toujours… ».
repères
Le chiffre : 3 50 000
ingénieurs > Par an. Les écoles et les universités forment chaque année en Inde 3 500 000 ingénieurs dont 30 000 à Bangalore.
Les sous-traitants montent en puissance
Habillés de pantalons en toile et de polos noirs aux couleurs de leur société, les compagnons indiens de Dynamatic ont fière allure dans leurs ateliers. Dans les allées de l'entreprise, l'odeur de limailles de fer et d'huile de machines-outils est la même que chez les sous-traitants de la banlieue toulousaine ou de la Mecanic Valley du Lot. On mangerait parterre ! Même machine, même compétence. Ici on assemble les glissières des volets des ailes des A320, pièces maîtresses de l'avion. La société indienne a rapidement adopté la façon de travailler d'Airbus en appliquant le fameux « lean manufacturing », une méthode d'amélioration industrielle. « Nous l'avons importée de notre division automobile. Aujourd'hui, nous sommes considérés comme des partenaires à part entière par Airbus » explique Tobby Malhoutra, le jeune patron de 45 ans. Il est d'ailleurs aujourd'hui même à Toulouse pour préparer une réunion organisée par Airbus pour ses vingt fournisseurs les plus importants. Et le jeune Toby ne manque pas d'appétit. Il s'apprête à investir 120 millions de dollars dans les cinq ans à venir notamment dans la construction d'un nouveau site industriel près de l'aéroport de Bangalore « pour envoyer les pièces directement chez Airbus au Royaume-Uni » explique-t-il. Ici, les compagnons travaillent 270 jours par an, six jours sur sept et ont 26 ans de moyenne d'âge. « En construisant des usines comme la nôtre, on permet à tout le monde de travailler même les jeunes de nos campagnes alors que les sociétés d'informatiques n'attirent que les élites intellectuelles » ajoute Tobby. La mondialisation peut aussi avoir du bon.
Les ingénieurs indiens concurrents de Toulouse ?
« évidemment ça nous inquiète ! », réagit Françoise Vallin, déléguée syndicale centrale CFE-CGC chez Airbus. « C'est la première fois qu'Airbus localise des charges de travail d'ingénieurs hors d'Europe. Certes ils ont le badge Airbus donc ce sont des collègues mais à terme la conséquence ce sera moins d'ingénieurs à Toulouse » poursuit l'élue syndicale. Bien sûr, le bureau d'études de Toulouse Saint-Martin-du-Touch, qui emploie 2 500 ingénieurs, verra encore ses effectifs augmenter l'an prochain; mais « dans dix ans, j'ai bien peur que certaines activités d'ingénierie n'aient lieu qu'à Bangalore ou en Russie » s'inquiète Françoise Vallin. Discret voire silencieux sur les niveaux des salaires indiens, Airbus ne veut pas présenter son centre d'ingénierie comme une délocalisation. Dans les faits, un salaire d'ingénieur indien avoisine 8 000 dollars par an soit dix fois moins qu'en Europe. Et Airbus fait tout pour mettre à niveau ses ingénieurs et ceux de ses sous-traitants. Ainsi, Mahindra, société d'ingénierie, a envoyé ses salariés en tournée en Europe (Toulouse, Hambourg…) pour les former. Résultat : ils ont aidé Airbus à résoudre les problèmes de câblages sur l'A380. Une mission test tellement bien réussie que de nouveaux contrats sont en vue pour la société de Bangalore sur les futurs programmes Airbus comme l'A350. Nitin Khorana, le patron de la division aéronautique, a même décidé d'ouvrir un bureau à Toulouse : avenue Didier-Daurat, aux côtés des pionniers du ciel !

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