vendredi 19 avril 2013

Le pouvoir d'achat français devrait diminuer cette année


Le pouvoir d'achat français devrait diminuer cette année

Publié le 18/04/2013 à 07:56 | 22

budget

Le premier Ministre était invité de France Inter hier./Photo DDM
Le premier Ministre était invité de France Inter hier./Photo DDM
Le gouvernement est à la recherche de 6 milliards de recettes supplémentaires en 2014. La lutte contre la fraude fiscale, le rabotage de certaines niches, la hausse des cotisations retraites sont au programme.
Le gouvernement espérait que la page des hausses d'impôts serait tournée en 2014. C'est manqué ! Certes hier, dans son «programme de stabilité» présenté en Conseil des ministres, il s'est accroché à ses objectifs chiffrés de retour à la croissance et de réduction des déficits d'ici la fin du quinquennat déjà contestés par les économistes et les prévisions du FMI (voir ci-dessous). Mais il n'a pu faire autrement que d'admettre qu'un «effort important sera encore nécessaire» en 2014. Il devrait porter à 70% sur des économies de dépenses et à 30% sur les recettes, l'inverse de ce qui a été fait en 2013.
Quelque 6 milliards d'euros de recettes supplémentaires seront nécessaires l'année prochaine qui proviendront pour moitié, assure-t-on à Bercy, du produit du renforcement des contrôles fiscaux et d'un nouveau rabotage des niches fiscales jugées improductives. Le gouvernement n'exclut pas une hausse des cotisations dans le cadre de la future réforme du régime général des retraites, après celle déjà prévue pour les régimes complémentaires.
Le taux de prélèvements obligatoires augmentera donc pour passer de 46,3% du PIB en 2013 à 46,5% l'an prochain, au lieu d'être stabilisé. L'exécutif promet qu'il reviendra en 2017 au niveau de cette année. «Nous n'avons renoncé à rien, l'objectif du gouvernement est toujours de revenir à l'équilibre structurel d'ici à 2017, de parvenir à la croissance la plus forte possible, de réussir à inverser la courbe du chômage dès la fin de l'année 2013», a affirmé le ministre de l'Économie Pierre Moscovici. Pour y parvenir, la dépense publique doit continuer d'être endiguée, estime Bercy. Mais elle devrait encore atteindre un pic en 2013, à 56,9% du PIB avant de refluer à partir de 2014 jusqu'à revenir à 53,9% en 2017. Pour 2014, les économies seront réalisées par l'État (baisse de 1,5 milliard en valeur absolue), les collectivités territoriales (1,5 milliard de dotation en moins) et la sécurité sociale.
Le gouvernement prévoit en effet notamment une économie d'un milliard l'an prochain sur la branche famille (voir ci-dessous). Dans le «programme de stabilité» examiné en conseil des ministres hier, le gouvernement détaille un scénario où «la croissance reprend progressivement au cours de 2013», assure Bercy, permettant notamment un recul du taux de chômage dès le dernier trimestre. «La France présente des prévisions de croissance réalistes: 0,1% en 2013, 1,2% en 2014, puis 2% chaque année entre 2015 et 2017», affirme le ministère de l'Économie dans le document de 85 pages par lequel il s'engage auprès de ses partenaires européens. La Commission de Bruxelles a affirmé hier qu'elle allait analyser «en profondeur» ce «programme de stabilité». Elle se prononcera à la fin du mois de mai sur le délai demandé par Paris.
J.-P. B.

Allocs : baisse pour 15% des ménages

Les allocs des hauts revenus seront rabotées. Cela fait partie des économies d'un milliard d'euros sur la branche famille de la Sécurité sociale en 2014, selon le programme de stabilité présenté hier. Environ 15% des Français, les plus aisés seront concernées par cette diminution. Mais le seuil de revenus des familles concernées n'est pas encore tranché. Cette réforme délicate devrait rapporter un milliard d'euros dès l'année prochaine. «On gardera l'universalité des allocations familiales, c'est-à-dire que toutes les personnes auront des allocations familiales», a rappelé Jean-Marc Ayrault. «Mais à partir d'un certain niveau de revenus, ça sera progressif», a-t-il ajouté au sujet de la baisse déjà annoncée pour les familles les plus aisées, par Hollande. «Cette affaire n'est pas tranchée puisque je dois dans les prochaines semaines me rendre devant le Haut Conseil (de la famille), où tous les partenaires autour de la table pourront en débattre avec moi», a-t-il précisé. Cette instance s'est d'ores et déjà déclarée majoritairement contre la modulation des allocations familiales en fonction des revenus des ménages.
Le scénario permettant une économie d'un milliard impliquerait une baisse des allocations pour les familles de deux enfants gagnant 5072 € par mois (5847 € avec trois enfants) et seraient divisés par quatre au-delà de 7100 € pour les ménages avec deux enfants (7876 € avec trois enfants).
Ce dossier ultra-sensible a toujours été un casse-tête pour les gouvernements comme ont pu l'expérimenter Alain Juppé et Lionel Jospin. Ayrault entend pourtant bien inscrire cette réforme dans le prochain budget de la Sécu qui sera présenté en septembre.
J.-P. B

«La consommation en sera affectée»

Le pouvoir d'achat des ménages va-t-il s'améliorer en 2013 ?
Il n'existe aucune raison pour qu'il s'améliore. En 2013, il continuera de se dégrader car l'austérité sera encore plus forte. Parallèlement, la situation de l'emploi va continuer de se détériorer. Or la perte d'emploi est une des principales raisons de la baisse du pouvoir d'achat. L'accroissement de la pression fiscale ne fera qu'accentuer la tendance.
Pourquoi le gouvernement prévoit une croissance plus forte que le FMI ou que l'OFCE ?
Le ministère de l'économie prévoit 0,1 % de croissance cette année alors que le FMI s'attend à ce que la France tombe en récession avec un PIB en recul de 0,1 %. à l'OFCE on s'attend même à une croissance en baisse de 0,2 %. Le gouvernement ne prend pas assez en compte l'effet multiplicateur. Ce mécanisme calcule les effets de la politique d'austérité. Pour un euro d'austérité, cela détruit un euro dans l'économie. Le multiplicateur est donc de 1 pour l'OFCE. Bercy ne retient que 0,7 %. C'est pour cette raison que leurs prévisions de croissance sont sans cesse surestimées.
La baisse des allocations familiales aura-t-elle un effet récessif ?
Voilà typiquement une mesure qui va impacter négativement la croissance. Quand l'État réduit ses dépenses, par exemple en accordant moins d'allocations familiales, l'impact sur l'économie est encore plus négatif que s'il augmentait les impôts. L'effet multiplicateur en matière de dépenses sociales atteint 2,1. Les effets sur la consommation seront gigantesques. C'est pour cette raison que le Premier ministre a voulu cibler que les ménages les plus aisés mais une fois de plus la consommation sera affectée.
L'austérité est-elle trop forte ?
Rendez-vous compte qu'en 2013, le pays va encaisser 36 milliards d'euros d'austérité dont vingt milliards sur les ménages. C'est du jamais vu ! Malgré cette diète, le déficit ne sera pas à 3 % mais à 3,7 %. L'OFCE table même sur 3,9 %. Or cela va provoquer la destruction d'1,8 point de PIB ce qui fera baisser d'autant les rentrées fiscales.
Que faudrait-il faire ?
Il faudrait une inflexion de cette austérité mais de manière coordonnée au niveau européen. Le pacte de stabilité impose un minimum de 0,5 point de PIB d'austérité. EN France on fait 1,5 : on va trois fois trop vite. Limitons les efforts à 0,5 point de PIB, la croissance repartirait, avec elle l'emploi et on verrait le chômage décroître. Mais le consensus européen n'existe pas sur ce sujet.
Recueilli par Gil Bousquet

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